30|décembre 2010
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L’écriture ‘ajami en pulaar au Fuuta Tooro (Sénégal/Mauritanie): une littératie délibérément restreinte

Marie-Eve Humery
Institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain, EHESS
Bio

Published 2010-12-01

Keywords

  • 'ajami,
  • pulaar,
  • économie de l'écriture,
  • Fuuta Tooro,
  • élite tooroɓɓe,
  • literacy regime,
  • Tooroɓɓe elite
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How to Cite

Humery, M.-E. (2010). L’écriture ‘ajami en pulaar au Fuuta Tooro (Sénégal/Mauritanie): une littératie délibérément restreinte. Sociétés Politiques comparées. Revue européenne d’analyse Des sociétés Politiques, 30. https://doi.org/10.36253/spc-19406

Abstract

Au Fuuta Tooro (Sénégal/Mauritanie), région profondément islamisée, l'écriture du pulaar en caractères arabes ('ajami) est restée une pratique marginale, contrairement à d'autres aires peules où elle s'est largement diffusée. Les données d'enquête révèlent que moins de 1% de la population utilise l''ajami, contre plus de 90% pour la graphie latine (abajada). L'analyse socio-historique démontre que cette restriction délibérée résulte d'une stratégie de monopolisation du savoir par l'élite tooroɓɓe, de l'absence d'un projet de vulgarisation du savoir islamique en langue locale (contrairement aux jihad de Sokoto et du Fuuta Jalon), et de l'influence arabisante des Maures. Depuis les années 1960, le « mouvement pulaar » a fait de la graphie latine un instrument de résistance identitaire face à la wolofisation et à l'arabisation, inscrivant l''ajami et l'abajada dans des économies de l'écriture distinctes et concurrentes.


'Ajami Writing in Pulaar in Fuuta Tooro (Senegal/Mauritania): A Deliberately Restricted Literacy

In Fuuta Tooro (Senegal/Mauritania), a deeply Islamized region, writing Pulaar in Arabic script ('ajami) has remained a marginal practice, unlike other Fulani areas where it has spread widely. Survey data reveal that less than 1% of the population uses 'ajami, compared to over 90% for Latin script (abajada). Socio-historical analysis demonstrates that this deliberate restriction results from a strategy of knowledge monopolization by the Tooroɓɓe elite, the absence of a project to democratize Islamic knowledge in the local language (unlike the Sokoto and Fuuta Jalon jihads), and the arabizing influence of Moors. Since the 1960s, the "Pulaar movement" has made Latin script an instrument of identity resistance against Wolofization and Arabization, inscribing 'ajami and abajada in distinct and competing writing economies.